Tout commence toujours par une histoire d’amour

Tout commence toujours par une histoire d’amour (soliloque autour d’une disparition)

– Bonjour. Je voudrais procéder à un changement d’identité s’il vous plaît.

– Un changement d’identité c’est-à-dire ? Vous êtes nouvellement mariée ?

– Non je voudrais changer de nom de famille. Mon père est un connard et je ne veux plus porter le nom d’un connard.

– Très bien. Et sinon y’a-t-il d’autres désagréments occasionnés par votre nom de famille ?

– Vous pourriez, vous, faire le deuil de quelqu’un que vous êtes susceptible de croiser sur un trottoir en allant acheter votre pain ?

– Euh…non.

– Moi non plus. Alors je voudrais changer de nom.

– Vous êtes majeure ?

– Non mineure.

– Ah il va me falloir l’autorisation de vos parents.

– De ma mère ça suffit ?

– Il faudrait celle de votre père aussi.

– Mais puisque je vous dis qu’il n’existe plus.

C’est l’histoire intime, frontale, sans artifices de Mademoiselle R. À travers ses âges et sa mémoire, ses photos de famille, ses dessins d’enfant, elle tente de reconstituer une disparition, une absence : celle de l’homme au regard bleu turquin – son père – vivant toujours dans la maison aux volets rouges.