Les lapins sont toujours en retard !

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Alice, romantique et hypersensible, se confie à son psychologue.
Elle raconte sa vie et celle sa sœur jumelle, son exacte opposée, agent secret qui collectionne les amants.
Deux choix de vie, deux quêtes identitaires, deux quêtes du bonheur, dans lesquels elles croiseront une dizaine de personnages hauts en couleurs, cortège du quotidien dans lequel chacune essaye de se débrouiller.



<br /> Les lapins sont toujours en retard !<br />






Cabinet du psychiatre

Alice. – Bonjour, c’est ici le…

Le psy. – Oui, bonjour, asseyez-vous. (Il n’y a pas de chaise.)
Alice. – Mais…

Le psy. – Comment allez-vous?
Alice. – Ben… ça va…

Le psy. – Ah bon?
Alice. – Euh… oui…

Le psy. – Pourquoi venez-vous me voir?
Alice. – J’avais rendez-vous.
Le psy. – Oui, mais pour quelle raison?
Alice. – Ah… Il faut une raison?
Le psy. – Non, mais généralement il y en a une.
Alice. – Vous voulez que j’en trouve une?
Le psy. – Seulement si vous voulez.
Alice. – Ben non, moi ça va.
Le psy. – Comment vous appelez-vous?
Alice. – Alice.
Le psy. – Alice?
Alice. – Oui.
Le psy. – Bonjour, Alice. Vous voulez un mouchoir?
Alice. – Euh… oui, enfin non. Pourquoi?
Le psy. – Il faut une raison?
Alice. – Généralement, il y en a une.
Le psy. – Vous voulez que j’en trouve une?
Alice. – Je suis pas sûre de comprendre…

Le psy. – Vous aimez les histoires, Alice?
Alice. – Comment ça?
Le psy. – Les histoires, les récits, les romans, vous aimez ça?
Alice. – J’adore lire.
Le psy. – Vous lisez quoi?
Alice. – En ce moment, vous voulez dire?
Le psy. – En général.
Alice. – J’aime bien les romans policiers.
Le psy. – Qu’est-ce que vous aimez dans les romans policiers?
Alice. – Euh… je sais pas… le suspense?
Le psy. – C’est une question?
Alice. – Non, enfin je sais pas si c’est le genre de réponse que vous attendez…

Le psy. – Pourquoi croyez-vous que j’attends une réponse précise?
Alice. – Non, c’est pas ça mais… Oui, le suspense, je crois… Je trouve que les meilleures histoires sont celles dont on ne connaît pas la fin.
Le psy. – Pourtant dans les romans policiers on sait que le méchant se fera probablement attraper par le gentil, non?
Alice. – Euh… oui, je suppose…

Le psy. – Vous espérez l’inverse?
Alice. – Oui, enfin non, enfin peut-être, en tout cas c’est mieux s’il ne se fait pas attraper au début du livre…

Le psy. – Vous racontez des histoires?
Alice. – Euh… en ce moment, vous voulez dire?
Le psy. – En général.
Alice. – Je crois que je ne suis pas très forte pour ça…

Le psy. – Je crois que vous êtes beaucoup plus forte que vous ne le pensez.
Alice. – Pour raconter des histoires?
Le psy. – En général.
Alice. – Ah bon?
Le psy. – Vous êtes amoureuse.
Alice. – C’est une question?
Le psy. – Non.
Alice. – Ah! tant mieux, parce que j’aurais pas su quoi répondre!
Le psy. – Vous n’êtes pas amoureuse?
Alice. – Euh… si, en fait…

Le psy. – Vous voulez vous asseoir?
Alice. – Ben c’est-à-dire que… oui, pourquoi pas… enfin, je sais pas… Sur vos genoux? (Elle rit.) Pardon…

Le psy. – Vous aimeriez venir sur mes genoux?
Alice. – Non mais pas du tout, mais c’est juste que…

Le psy. – Vous avez des orgasmes, Alice?
Alice. – Pardon?
Le psy. – Vous savez ce que c’est qu’un orgasme?
Alice. – Oui! Enfin, ma meilleure amie dit que…

Le psy. – Vous avez des orgasmes avec votre meilleure amie?
Alice. – Non, écoutez, je crois que je vais y aller en fait, je me sens pas…

Le psy. – Je vous mets mal à l’aise?
Alice. – Ben c’est-à-dire que…

Le psy. – Parlez-moi de votre amoureux, Alice. Comment l’avez-vous rencontré?
Alice. – Ben… par hasard… Enfin, c’est idiot, on se rencontre toujours par hasard, non?…







La Pachunga

Alex. – Salut.
Alice. – Salut.
Alex. – Elle est libre cette chaise?
Alice. – Oui.
Alex. – Je peux la prendre?
Alice. – Ah… euh… oui.
Alex. – Merci!… T’es toute seule?
Alice. – Euh… ben oui… enfin, je suis venue avec une copine
mais elle est partie draguer.
Alex. – Qu’est-ce que tu bois?
Alice. – Ben rien, j’ai fini mon verre…

Alex. – Non mais je veux dire qu’est-ce que tu veux boire? Je
t’offre un verre.
Alice. – Ah… euh… un jus d’abricot.
Alex. – Alex.
Alice. – Non, moi c’est Alice.
Alex. – Non, mais moi c’est Alex.
Alice. – Ah oui! Bien sûr… Je suis bête…

Alex. – Enchanté, Alice. Tu viens souvent ici?
Alice. – Pff…

Alex. – Quoi?
Alice. – Et ta prochaine question ça va sûrement être : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? »
Alex. – C’est pas ce qui s’appelle faire connaissance?
Alice. – Non, c’est des mondanités ça. Faire connaissance avec quelqu’un c’est autre chose qu’un boulot ou une adresse. C’est savoir ce qui fait mal, ce qui touche, ce qui dérange. Si tu voulais vraiment me connaître, tu me demanderais un truc beaucoup plus personnel, comme le premier truc
que je fais en me réveillant, par exemple, ou la saison que je préfère, ou l’odeur qui me rappelle mon enfance, ou… Non, je viens pas souvent ici…














Franck et Alex au téléphone

Franck. – Allô!
Alex. – C’est Alex.
Franck. – Alors, c’était cool hier soir?
Alex. – J’ai rencontré une fille!
Franck. – Une seule? Ben qu’est-ce qui se passe? T’es malade?
Alex. – Non mais c’était pas comme d’habitude! Je sais pas ce qui s’est passé, elle est pas comme les autres! Enfin si, elle est pas particulière à première vue, mais je sais pas, elle est…

Franck. – Elle est bonne?
Alex. – Non, enfin oui, enfin je sais pas, je m’en fous.
Franck. – Comment ça tu sais pas? Elle est bonne ou pas?
Alex. – Elle est belle.
Franck. – Elle est bonne, donc.
Alex. – Mais arrête, putain! Elle est à croquer, elle a l’air toute fragile, et en même temps y a ce truc, ce truc, je sais pas comment dire… Il faut pas que je la revoie.
Franck. – Tu l’as baisée?
Alex. – Je voulais au départ, évidemment, mais après je sais pas y avait ce truc dans ses yeux, c’est difficile à décrire, c’est comme, tu vois, quand tu regardes la mer et que tu réalises que la vie n’est qu’un battement de cœur entre deux sanglots…

Franck. – Mais tu l’as baisée ou pas?
Alex. – Mec… Je suis amoureux.
Franck. – Alex, rassure-moi. Tu l’as baisée au moins?…





















Cabinet du psy

Alice. – Je crois que je suis tombée amoureuse de lui dès que je l’ai vu, comme dans les films, comme au théâtre, comme dans les livres.
Le psy. – Vous aimez les histoires, Alice.
Alice. – Je vous dis, celles dont on ne connaît pas la fin.
Le psy. – Vous voulez dire celles qui n’ont pas de fin?
Alice. – Les histoires ont toujours une fin, non?
Le psy. – Je vous le demande.
Alice. – Une histoire sans fin c’est comme une œuvre inachevée.
Le psy. – Vous croyez que rien n’est éternel? Ça vous rassure qu’une histoire ait une fin?
Alice. – Euh… peut-être… je sais pas…

Le psy. – Vous avez de la famille, Alice?
Alice. – Une sœur… jumelle.
Le psy. – Ah oui? Vous vous ressemblez?
Alice. – Ben… c’est ma jumelle.
Le psy. – Ça veut dire oui?
Alice. – Non, enfin oui, on se ressemble physiquement, mais sinon on est vraiment très différentes.
Le psy. – Et vos parents?
Alice. – Ils habitent à la campagne.
Le psy. – Où ça à la campagne?
Alice. – Dans une forêt.
Le psy. – Vous voulez un mouchoir?
Alice. – Euh… non, toujours pas…

Le psy. – Il y a une chaise dans l’autre pièce, allez la chercher, vous serez mieux.
Alice. – Ah oui, je veux bien.
Le psy. – Comment s’appelle-t-elle?
Alice. – La chaise?
Le psy. – Non, votre sœur.
Alice. – Sandra.
Le psy. – Vous vous entendez bien avec elle?
Alice. – Je… Je vois pas de chaise…

Le psy. – Qu’est-ce qu’elle fait?
Alice. – La chaise?
Le psy. – Non, votre sœur. Qu’est-ce qu’elle fait dans la vie?
Alice. – Dans la vie, je sais pas. En tout cas, comme boulot, elle travaille pour le
gouvernement.





Scène de crime

Sandra. – Direction des services secrets extérieurs, agent Sandra Fournier. On nous a envoyés pour jeter un coup d’œil à la scène de crime.
Agent Bruneau. – Vous venez de me montrer votre carte Vitale…

Sandra. – J’ai oublié mon badge à la maison.
Agent Bruneau. – Agent Bruneau. Désolé, j’avais rien à faire, du coup je suis parti commencer l’enquête de voisinage.
Sandra. – Et alors?
Agent Bruneau. – En tout cas, au bistrot, personne n’a rien vu.
Sandra. – Vous avez quitté votre poste pour aller prendre l’apéro?
Agent Bruneau. – Non! J’ai pris l’apéro pour me fondre dans le décor.
Sandra. – Vous vous fondez dans le décor en uniforme, vous?
Agent Bruneau. – C’est pour ça que l’apéro ça m’aide. De toute façon, ça faisait deux heures que j’étais planté là, je servais à rien.
Sandra. – Mais vous étiez pas planté là pour surveiller la scène de crime?
Agent Bruneau. – Mais surveiller quoi? Y a rien à voler, de toute façon.
Sandra. – Non mais personne ne doit violer la scène de crime!
Agent Bruneau. – Y a rien à violer non plus.
Sandra. – Ben si. La scène de crime.
Agent Bruneau. – Personne va violer un mort!
Sandra. – Non mais pas violer dans ce sens. Personne ne doit pénétrer… O.K., laissez tomber, ça me saoule. Qu’est-ce qu’il s’est passé?
Agent Bruneau. – Ben il a sauté les piquets, là.
Sandra. – Pardon?
Agent Bruneau. – Ben c’est foutu. Si vous avez appelé les secours, vous pouvez leur dire de retourner prendre l’apéro. Là c’est plié, le mec est mort.
Sandra. – Non mais ça je vois, merci! Vous n’avez pas plus de détails?
Agent Bruneau. – Oh! pardon! Trois doigts et une oreille en moins, dix-huit coups de couteau,
trois balles de calibre 22 tirées à bout portant, la dernière a été fatale. À quoi vous pensez?
Sandra. – A priori, je dirais qu’il s’agit d’un suicide.
Agent Bruneau. – Non?!
Sandra. – Non.
Agent Bruneau. – Ah! je me disais!
Sandra. – Autre chose?
Agent Bruneau. – Pas d’arme sur les lieux, aucune empreinte, pas de traces d’effraction.
Sandra. – O.K. Dites au médecin légiste de nous faire un rapport au plus vite.
Agent Bruneau. – Non mais je vous ai dit, il est mort, c’est pas la peine d’appeler un médecin en urgence. Je crois pas qu’on puisse le réanimer. Remarquez, c’est vrai que parfois on voit des trucs de fou. Quand j’étais petit, j’avais étouffé mon hamster sans faire exprès, eh ben il est revenu à la vie après deux heures de réanimation.
Sandra. – Vous avez essayé de réanimer votre hamster pendant deux heures?
Agent Bruneau. – Ouais. Bon, il est mort quand même parce que je crois que j’avais cassé toutes ses côtes avec le massage cardiaque, mais il a eu un petit soubresaut de vie.
Sandra. – D’accord. Non mais moi je vous parlais du légiste. Le médecin légiste. Vous voyez qui c’est?
Agent Bruneau. – De toute façon, je connais que mon médecin de famille. Et il s’appelle pas Légiste. C’est le docteur Bizet, il est super.
Sandra. – Non mais je m’en fous de votre médecin de famille! Je vous parle du médecin de la morgue, celui qui travaille sur les morts!
Agent Bruneau. – Aaaah! J’avais pas compris.
Sandra. – Oui, j’ai vu. Vous allez trouver le médecin légiste et vous lui dites de nous faire son rapport dans l’heure.
Agent Bruneau. – D’accord.
Sandra. – Non mais maintenant.
Agent Bruneau. – Ah!
L’agent Bruneau sort. Entre l’agent Michel.
Agent Michel. – Ah! Fournier, vous tombez bien!
Sandra. – En même temps, c’est vous qui m’avez convoquée.
Agent Michel. – Eh ben, du coup, vous tombez bien. Agent Fournier, qu’est-ce que… vous pensez de ma nouvelle cravate?
Sandra. – Je sais pas, elle est pas top.
Agent Michel. – Non mais c’est pas ça que je voulais dire… Ah bon? Vous la trouvez pas jolie?
Sandra. – Mais c’est pour ça que vous m’avez convoquée?
Agent Michel. – Non mais c’est ma mère qui choisit mes cravates. Elle est chiante. Bon, faites vite, j’ai pas que ça à faire.
Sandra. – Mais faites vite quoi?
Agent Michel. – Ben vous aviez pas un truc à me dire?
Sandra. – Ben non.
Agent Michel. – Ah non! C’est moi! Agent Fournier, vous êtes mon meilleur agent d’infiltration. J’ai une nouvelle mission pour vous : je veux que vous récupériez toutes les informations possibles sur un certain Alexandre Rudinski. Voici
son dossier.
Sandra. – Il est vide.
Agent Michel. – Il est très fort, nous n’avons rien sur lui.
Sandra. – …

Agent Michel. – Vous commencerez par enquêter sur lui, puis vous vous arrangerez pour entrer dans sa vie, vous devrez être au plus proche de lui pour le surveiller et nous informer sur tous ses faits
et gestes. L’avenir de la nation est entre vos mains, Fournier.
Sandra. – C’est super pourri comme phrase.
Agent Michel. – Je sais mais j’adore dire ça. Ah! et cette fois-ci, agent Fournier, pas de bavure!
Sandra. – Du genre?…

Agent Michel. – Du genre… bavure…

Sandra. – Du genre?…

Agent Michel. – Du genre bavure.
Sandra. – Bien, chef.
Agent Michel. – Ah! et pour celui-là, vous me classez ça sans suite, c’est un suicide!
Sandra. – Euh… chef, je ne pense pas.
Agent...

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