Acte I scène 6 |
Vitaly, Tamila, David. Bureau de Vitaly. |
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Voix off : | Premier jour. Quatorze heure trente. |
Vitaly : | (via l’interphone) Tamila, voulez-vous... |
Tamila : | Moi je veux bien tout, avec vous, Vitaly, mais... il y a David qui vous attend. |
Vitaly : | Quoi ?! ... Déjà ?! ... J’ai complètement oublié que j’avais ce rendez-vous. Comment se fait-il que je ne le voie pas sur l’agenda de ma boite mails ? Il me semble pourtant bien que je l’y avais mis ! |
Tamila : | Ha ben, vous l’avez peut-être mis, mais maintenant, il y est plus. |
Vitaly : | Ok, ok... faites-le entrer. |
| (David pénètre dans le bureau.) |
Vitaly : | Bonjour, David. Assieds-toi. Désolé de t’avoir fait attendre, mais je suis assez pris, aujourd’hui. |
David : | Laisse tomber, Vitaly. Zéro problème. C’est le métier. Et puis ça prouve que le business marche bien, après tout, non ? |
Vitaly : | Ah oui. Ce ne sont pas les opérations qui manquent, actuellement. |
David : | … Tout va bien ? … Je te sens un peu soucieux, dans ta voix, ce matin... |
Vitaly : | Tu me connais trop bien, David. Je vais finir par devoir changer de commercial. |
David : | Ha ! Ha ! Ha ! Oui, mais des au top comme moi, tu vas avoir du mal à les trouver, c’est moi qui te le dis ! |
Vitaly : | Bon. Fais vite, s’il te plaît. Je suis vraiment charrette. |
David : | Okééééééé… Tu vas voir : je suis pas venu pour rien. La vérité : c’est de la bombe ! |
Vitaly : | Oui ? |
David : | Je te parle d’IA, là. D’intelligence artificielle ! |
Vitaly : | Ho non, laisses tomber, David. La dernière fois que je suis allé sur une IA, je lui ai demandé une image représentant le tatouage d’une cœur transpercé d’une flèche, et il a été incapable de me sortir quelque chose de crédible ! C’est extrêmement survendu, pour l’instant. |
David : | Ce sont tes problèmes de cœur qui t’aveuglent et te rendent amer, Vitaly. |
Vitaly : | Je n’ai aucun problème de cœur ! Je faisais un test pour un faux dossier compromettant, sur un homme politique Égyptien. |
David : | C’est pas à Mendelson et ses équipes, de faire ces trucs-là ? |
Vitaly : | Dans certains cas extrêmement confidentiels, c’est toujours moi qui m’en charge. Cela me rappelle le bon vieux temps de mes débuts, et ça m’évite de perdre la main. |
David : | OK. Mais tu es allé sur le net normal, et tu as utilisé une IA gratuite en ligne, c’est ça ? |
Vitaly : | Oui. Par discrétion. Pour être noyé dans la masse. |
David : | Et ben c’est là que tu t’es gouré, Vitaly. |
Vitaly : | Vas-y doucement, David, hein ! |
David : | Oui, excuse-moi. L’enthousiasme... Voilà : moi je te propose un programme tout nouveau, développé en Corée du Nord, qui a, (tiens-toi bien !), piraté les IA de Google et Méta, plus celles de plusieurs ministères de la défense, dont celui de l’Inde, et, (tiens-toi encore mieux !), qui les a syn-thé-ti-sés ! … Et après, ils ont éliminé tous les bridages ! Tu sais, les trucs de morale, de bien-pensants, tout çà. Et le résultat ? Un pouvoir de nuisance phé-no-mé-nal !!! |
Vitaly : | On peut pirater une IA, maintenant ? Je croyais que celles des services secrets étaient coupées hermétiquement d’internet ? Et puis leurs modèles de langage LLM, ça ne doit pas être une partie de plaisir, à faire fusionner... |
David : | C’est là que c’est grand : les IA grand public, ils avaient pas encore pensé à les protéger, à l’époque, ces cons-là !!! Trop pressés de mettre çà sur le marché pour occuper le terrain ! La peur d’être doublé par les concurrents !!! Mais la vérité : depuis quelques mois, c’est mort, tout est verrouillé. |
Vitaly : | Et les IA militaires ? |
David : | Vitaly, c’est pas à toi que je vais apprendre qu’un Cloud, même avec un air-gap, çà se pirate aussi… |
Vitaly : | Bon. OK. Et pour mon tatouage de cœur traversé d’une flèche, ça va marcher, tu crois ? |
David : | HA ! HA ! HA ! … Des vidéos ENTIÈREMENT PIPEAU MAIS RIGOUREUSEMENT IN-DÉ-TEC-TABLES, tu pourras faire !!! Tu rentres le scénario, les personnes que tu veux voir dedans, la durée, le style d’images que tu veux, et yallah, en une nuit, hop ! C’est fait. Même pas besoin de lui dire la durée des scènes, ou les cadrages, il s’occupe de TOUT pour toi ! |
Vitaly : | Vraiment ? |
David : | Sur la vie de ma mère, c’est FAN-TAS-TIQUE !!! J’ai fait des essais avec leur version de démo, ça m’a TUÉ !!! Elvis Presley qui baise Margaret Thatcher en version super-huit démodée, Taylor Swift qui taille une pipe à Donald Trump dans un bain turc en seize neuvième, tu peux TOUT faire, je te dis !!! |
Vitaly : | Faut voir. |
David : | Ce logiciel, c’est un vrai miracle !!! |
Vitaly : | Et son prix ? Un vrai miracle aussi, j’imagine... |
David : | Pff… avec ce qu’il te propose, c’est donné, à ton échelle... |
Vitaly : | Combien ? |
David : | Sept petits millions de rien du tout. |
Vitaly : | Effectivement, je m’attendais à pire... |
David : | Mais bon : en bitcoins, hein ? |
Vitaly : | Aucun problème. Par contre, je veux l’exclusivité. |
David : | Je comprends... Faut que je voie avec la boite qui l’a développé... Écoute... çà, je pense qu’ils pourront te l’offrir, mais pendant trois mois, pas plus. De toutes façons, les choses vont hyper vite, en ce moment. C’est sûr qu’il y a mieux qui va sortir, dans quelque mois. |
Vitaly : | Ne me prends pas pour un écologiste français, David. Dis-leur que je veux neuf mois minimum. |
David : | Ok, ok. Neuf mois. |
Vitaly : | Et seulement si je suis convaincu par le truc. Je veux deux semaines d’essai. Ensuite, je paye cash dans les cinq jours. Ça te va ? |
David : | Mazel tov ! Tu seras pas déçu, Vitaly ! Voilà l’adresse, pour le téléchargement. |
| (David lui tend une carte de visite. Vitaly la prend et la regarde.) |
Vitaly : | Tu es responsable sur ta vie de son innocuité pour nos systèmes, David. Tu le sais, ça. |
David : | Oui, t’inquiète pas, Vitaly, t’inquiète pas. J’ai fait le téléchargement depuis la Corée du Nord moi-même. J’ai tout tracé, tout vérifié, c’est une adresse à moi, çà. C’est kasher. Plus aucun risque, sur la vie de ma mère ! |
Vitaly : | Bon, désolé, David, mais il faut vraiment que je me remette au boulot. |
David : | Bien sûr, bien sûr, Vitaly. T’inquiète pas, je comprends. No problem. On se rappelle très vite ! |
Vitaly : | On reste en contact. |
| (David se lève et sort rapidement.) (Vitaly se replonge dans ses dossiers.) |
[Noir sur la scène.] |