Un passé pas si simple

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Décor: Une salle de séjour + un coin cuisine.
Ce texte existe en version 4H/2H -4F/1h et 3F/3H

Philippe, écrivain, en pleine crise existentialiste, vient de se séparer de son épouse. Si la séparation s’est faite en « douceur », il n’en demeure pas moins qu’il erre comme une âme en peine dans sa propre maison. Avait-il bien épousé la femme de sa vie ? N’a-t-il pas raté le coche avec les autres femmes connues auparavant ? Son fils Laurent, voyant l’état de décrépitude dans lequel son père est en train de sombrer, décide de provoquer un électrochoc.

Ayant retrouvé dans les papiers de son père, les lettres de ses premières amours, il réussit à retrouver la trace des trois femmes qui ont marqué la vie de Philippe avant qu’il ne connaisse et se marie avec celle qui deviendra sa mère.

Amusées et séduites par l’idée de Laurent, voilà donc Françoise (l’épicurienne), Catherine (la fan de cuisine) et Josiane (la reine des histoires belges) qui débarquent chez Philippe, bien décidées à délivrer leur ex compagnon de tous regrets quant à leur éventuel « largage ». Oui, mais voilà… ont-elles vraiment oublié et pardonné le largage en question ? Et avec l’âge, les défauts de chacune d’elles se sont ils atténués ou accentués ? Et leur ancestrale rivalité s’est elle adoucie avec le temps ?

D’abord secoué par une femme de ménage envahissante et un coach « tonique », Philippe, balloté, cocooné, séduit, rejeté par ses anciennes compagnes, va d’agréables surprises, en amères désillusions. Le remède de Laurent serait-il pire que le mal ?

Et si ces trois femmes réunies ne représentaient que la moitié de celle qu’il a laissée partir…

ACTE I

Nous sommes en début de journée, dans la maison de Philippe. A l'ouverture du rideau, la scène est vide mais il règne un désordre indescriptible dans la pièce. Des vêtements sont en vrac sur le canapé, une bouteille et des aliments envahissent la table basse du salon. Dans le coin cuisine, on aperçoit un amoncellement d'assiettes et de casseroles sales. La porte d'entrée s'ouvre et livre passage à Laurent, le fils de Philippe. Il est visiblement étonné d'avoir trouvé la porte non verrouillée. Il est suivi de Huguette, la technicienne de surface qui arrive avec son matériel sur les bras et de Patrice, coatch à domicile.

LAURENT, à la cantonade. – C'est moi P'pa ! (Pas de réponse.) Ouh ouh, t'es là ? (Toujours pas de réponse.)

HUGUETTE, pragmatique. – Y doit pas être bien loin, sa porte n'est pas fermée à clé.

LAURENT, inquiet. – Ce qui est plutôt bizarre, lui qui ne se couche jamais sans avoir fait au moins dix fois le tour de la maison pour vérifier toutes les serrures...

PATRICE, apercevant la table encombrée. – Oh le chantier ! Il pique nique toujours dans son salon, vot' père ?...

HUGUETTE, elle retourne la bouteille de Whisky vide. – Pique nique qu'il n'a pas arrosé avec du champomy, le père Philippe...

LAURENT, constatant. – C'est pourquoi je vais avoir besoin de vos services. Vous Huguette pour me remettre de l'ordre dans la maison...

HUGUETTE, au garde à vous avec son balai . – A vos ordres chef ! (Elle rit.)

LAURENT, constatant. – Et vous Patrice pour me remettre le bonhomme en état de marche.

PATRICE, faisant craquer ses doigts et gonflant ses biceps. – Pouvez comptez sur moi. (Menaçant.) Je m'déplace rarement pour rien. Quelques bons massages et il va repartir au quart de tour le neurasthénique... (Si l'acteur est menu, lui faire jouer les anti athlètes.)

LAURENT, changeant de ton. – Parfait ! Bon papa ! Arrête de te planquer, je sais que tu es là. Alors, tu viens tout de suite ou je vais te chercher !

Sortant de son bureau, tout penaud, Philippe arrive en traînant les pieds. Il est en robe de chambre, pas lavé, ébouriffé avec une barbe de trois jours sur les joues.

PHILIPPE, faussement étonné. – Ah... c'est toi Laurent ? Quelle surprise... Je ne t'ai pas entendu sonner...

HUGUETTE. – Pas besoin de sonner, vot' porte était entre ouverte.

PHILIPPE, étonné, à son fils. – Qui sont ceux là ?

HUGUETTE, lui tendant la main, matériel dans l'autre main. – Huguette Graton, technicienne de surface.

PHILIPPE, ignorant la main tendue. – Technicienne de… Mais je n'ai jamais demandé qu'on vienne me technicier la surface.

HUGUETTE, regardant sa main tendue. – Super, merci... J'ai la main qui sent le mazout, sans doute ?

PATRICE, lui prenant la main d'office et la lui broyant entre ses doigts. – Patrice Masseur, coatch à domicile. Massages, step de fitness... rudiments de self défense... (Tête de Philippe qui secoue sa main de douleur.) Remise en forme intégrale... Satisfait ou remboursé, comme chez Darty !

HUGUETTE, hilare, à Patrice. – Je le crois pas ! Tu t'appelles vraiment Masseur ? Et en plus, tu es kiné ?

PATRICE, le prenant mal. – Et alors, qu'est ce que ça peut te foutre ?

HUGUETTE, hilare, à Patrice. – Rien. J'imagine juste les clients parlant de toi ... et de la main de Masseur...

PATRICE, se forçant à rire. – Ah ah ah ! Très drôle On me l'a déjà faîte cent fois celle là.

PHILIPPE, étonné, à son fils. – Qu'est ce qu'ils viennent fichent ici ces deux olibrius ?

LAURENT. – C'est moi qui leur ai demandé de venir parce que j'en ai marre de te voir vivre, à moitié déprimé, dans cette porcherie.

PHILIPPE, mécontent. – Je ne veux pas qu'on m'embête. J'ai besoin de calme et de solitude.

HUGUETTE, le rassurant. – Soyez tranquille m'sieur Philippe... vous permettez que je vous appelle Philippe... (Sans attendre la réponse.) Je serai la discrétion même... une frêle libellule qui va papillonner de pièce en pièce et devenir la fée de votre logis.

PHILIPPE. – Je suis bien capable de me débrouiller tout seul... Je n'ai pas besoin de libellule, ni de fée du logis.

LAURENT. – Te débrouiller seul ? Alors que, malgré ta maniaquerie, ta porte d'entrée est carrément restée ouverte toute la nuit. Tu cherches quoi ? A te faire attaquer par des rôdeurs ?

PHILIPPE. – Tout de suite les grands mots... Qui peut s'en prendre à un vieil homme sans intérêt, comme moi...

HUGUETTE. – Vot' fils a raison. C'est un truc à se faire découper en rondelles, comme du Justin Bridou. (Elle mime.) Tchac tchac tchac tchac  tchac ! Vous aurez bonne mine après ça, tiens !

PATRICE, se mettant en position de judoka. – Quand je vous aurai appris quelques mouvements d'auto défense, vous ne risquerez plus rien et votre fils pourra dormir tranquille.

PHILIPPE. – On verra ça plus tard. (A son fils.) Tu pourrais peut être m'embrasser au lieu de me gueuler dessus comme un putois.

Il embrasse son fils. Huguette s'invite à l'embrassade. Surpris, Philippe se laisse embrasser 4 ou 5 fois par elle. Huguette va ensuite se mettre en tenue de nettoyage et va commencer son travail tout en se mêlant aux conversations. Pendant les répliques suivantes, Patrice va préparer, sur la table de la salle à manger, son matériel de massage, tapis, serviette, huile de massage qu'il sort de son grand sac. Il se met en tenue et fait des excès de zèle en s'échauffant seul. Huguette et lui vont s'occuper tout en participant à la discussion commune.

LAURENT. – Tu piques !

HUGUETTE, en riant. – On dirait une éponge Spontex. Pour un peu, avec mes poils du menton, on aurait fait velcro tous les deux.

LAURENT. – Tu ne t'es pas rasé depuis combien de jours ?

PHILIPPE. – Mon rasoir électrique a rendu l'âme la semaine dernière...

PATRICE, tout en préparant ses affaires. – Et vous n'avez pas de rasoir jetable en réserve ?

PHILIPPE. – M'en sers jamais, il m'arrache la gueule.

HUGUETTE. – Vous avez raison. Quand on a la gueule de bois... ça peut faire des copeaux. (Elle éclate de rire.)

PATRICE. – C'est comme ça qu'on se fait un portrait rabot. (Il éclate de rire, suivi par Huguette.)

Ils rient tous les deux sous le regard étonné des deux autres.

LAURENT. – Tu ne pouvais pas sortir t'acheter un autre rasoir électrique ?

PHILIPPE. – Impossible, c'était un cadeau de ta mère... pour la fête des pères en 2002. C'est sentimental, tu comprends ?

HUGUETTE. – Moi, j'comprends ça. Un jour, Marcel... Marcel, c'est mon défunt mari qu'est mort maintenant... eh ben Marcel, pour mon anniversaire, il m'avait fabriqué un cendrier de salon avec une carapace de crabe. De toute beauté. Bon ça sentait un peu la marée mais j'ai jamais pu m'en séparer.

PATRICE, moqueur. – Il devait en pincer pour toi, ton Marcel ! (Tête ahurie de Huguette.) En pincer … pinces... de crabe... Tu piges ? (Eclat de rire de Huguette qui vient de comprendre. Tête de Philippe.)

PHILIPPE. – Je te parle de rasoir électrique et nous voilà arrivés sur un plateau de fruits de mer.

LAURENT. – Ne change pas de conversation. Je te rappelle quand même que maman est partie... enfin... que tu l'as gentiment invitée à quitter la maison il y a trois mois, pour incompatibilité d'humeur. Et maintenant, pour un peu, tu lui consacrerais un musée avec tous les objets rappelant son souvenir.

HUGUETTE. – C'est qu'on s'y attache aux souvenirs. Comme moi avec avec ma coquille de crabe.

PHILIPPE. – Je savais bien que tu ne me comprendrais pas. Vous êtes tous pareils, vous les jeunes... aucun sentiment humain ! Vous nous oubliez aussi vite que votre dernier Iphone.

HUGUETTE. – Y z'ont pas les mêmes valeurs que nous, les jeunes....

LAURENT. – Huguette, ça ne vous ennuierait pas de me laisser parler à mon père tranquillement ?

HUGUETTE. – Excusez moi m'sieur Laurent. J'me sens tellement à l'aise chez vous que j'ai tendance à me laisser aller. (Geste sur ses lèvres.) Mais chut, j'dis plus rien. (Se trompant.) Botus et mouche cousue. (Elle reprend son rangement et son nettoyage.)

PHILIPPE. – Que je m'attache à un objet offert par ta mère dans des circonstances aussi particulières, parce que je te signale quand même mon p'tit Laurent que c'est de ta mère dont on parle en ce moment, et que cela ne t'inspire aucun émoi, alors là... ça me laisse... ça me laisse... que je ne sais même pas comment dire...

LAURENT. – Eh bien, ne dis rien p'pa, ça vaudra mieux. Et tu comptes faire quoi ? Que maman revienne t'en acheter un autre à la prochaine fête de pères ?

PATRICE. – Ou que la barbe vous descende sur les godasses...(Il rit.)

PHILIPPE. – Allez y rigolez, ironisez sur un vieux père qui va finir sa vie tout seul, dans la misère, incompris de tout le monde, rejeté par sa propre famille, humilié, bafoué...

HUGUETTE. – Faut pas dire ça m'sieur Philippe, on est venus tous les trois pour vous aider.

PHILIPPE. – A quoi bon. Je suis un homme fini... vieilli... rabougri... vert de gris...

HUGUETTE. – Vous êtes encore très bel homme. (Parlant pour elle.) Et j'suis sûre qu'il y a encore des femmes capables de s'intéresser à vous...

PHILIPPE. – Je suis tout juste bon pour la braderie.

HUGUETTE. – Même en solde, vous m'intéresseriez encore. En plus, j'suis une adepte des fins de série.

PHILIPPE, montrant Huguette. – Voilà, elle l'a dit. J'suis un loser, un has been...

LAURENT. – Bon, t'as fini ton cinéma ? On peut passer à autre chose ?

PHILIPPE, reprenant son fils dans ses bras. – Heureusement que tu es là toi, mon fils. (Il l'embrasse.) Qu'est ce que je ferais sans toi ?

LAURENT, le repoussant gentiment. – Oh pétard, tu ne t'es pas douché depuis quand ? Tu pues le vieux bouc.

PATRICE. – On se croirait dans une bergerie du Larzac.

PHILIPPE, vexé. – Je vous remercie ! Quant à toi, Laurent... la chair de ma chair... qui renie l'odeur de ma chair... ça fait mal, tu sais. Je te rappelle quand même qu'avant de devenir le joli garçon que tu es maintenant, tu es passé par le stade physique d'une affreuse grenouille et que je t'embrassais quand même, moi... et sans dégoût !

HUGUETTE. – Vaut mieux un p'tit têtard que jamais... (Elle éclate de rire. Têtes des autres)

LAURENT. – Non, mais tu t'es vu à 9 heures du matin ? Pas rasé, pas lavé, en robe de chambre, les cheveux gras, les yeux globuleux...

PHILIPPE, se révoltant. – C'est même pas vrai, je n'ai pas les yeux globuleux...

HUGUETTE. – Si si, vous avez les yeux globuleux... surtout le gauche.

PHILIPPE, se tâtant les globes oculaires. – C'est parce que je suis patraque en ce moment... une sinusite... avec une angine... Alors toutes les muqueuses doivent être congestionnées et la pression doit se porter sur mes yeux. Médicalement, ça s'explique.

LAURENT, montrant la bouteille vide. – Médicalement… ce ne serait pas plutôt un abus de whisky qui serait à l'origine de ta pression oculaire ?

PHILIPPE, se défendant. – Eh ben... eh ben... eh ben... justement, voilà ! Comme je me sentais fiévreux, je me suis fait un bon grog au whisky...

HUGUETTE, retournant la bouteille vide. – Un seul grog ? Vous êtes sûr ?

PHILIPPE. – Enfin... deux ou trois... Je ne les ai pas comptés, du moment que ça me faisait du bien. (Sur la défensive.) C'est quand même pas défendu de boire un bon grog quand on est malade...

LAURENT, entrant dans son jeu. – Non... c'est même fortement conseillé.

PHILIPPE. – C'est la recette du grog de ta mère. Une dose de lait, une bonne cuillérée de miel, un demi citron et une dose de whisky. Tu sais qu'elle m'en a guéri des maladies avec sa potion magique.

PATRICE. – C'était la Panoramix de la maison, vot'femme.

PHILIPPE. – On pourrait presque dire ça...

PATRICE, aux autres, montrant Philippe. – En attendant, y me parait guère en état de déplacer des menhirs le Abraracourcix. (Attrapant Philippe.) Allez, venez par ici qu'on commence l'échauffement.

D'autorité, Patrice lui enlève sa robe de chambre. Réaction de pudeur de Philippe qui ne veut pas et se rhabille rapidement.

PHILIPPE. – Eh oh, pas devant tout le monde.

HUGUETTE, riant. – Vous gênez pas pour moi, m'sieu Philippe, j'en ai vu d'autres. Et vous êtes plus intéressant à regarder que mon ramollo de Marcel qui pendouillait de partout.

Patrice fait craquer ses doigts, fait des mouvements de tête, d'épaules et de bras et s'avance vers Philippe.

PHILIPPE. – Je peux m'échauffer tout seul...

PATRICE, à moitié menaçant. – Il me laisse faire mon boulot tranquillement le p'tit monsieur ou j'emploie la méthode forte.

PHILIPPE. – C'est à dire que...

PATRICE, haussant le ton. – Torse nu tout de suite et que ça saute !

PHILIPPE, s'exécutant. – Si vous le demandez gentiment...

A partir de maintenant, Patrice va « s'occuper » de Philippe tout en se mêlant de temps à autre à la conversation. Philippe va « subir » le coatching et va assortir ses dialogues de réflexions et de râles en fonction de cela. Patrice commence par « manipuler » son client, la tête, les bras, les jambes, exercices de pompe etc... Un joli travail de mise en scène qui peut générer des situations cocasses. La montée sur la table de massage se fera un peu plus tard.

LAURENT, fouillant sur la table. – Pendant que tu t'échauffes, je me serais bien pris un grog moi aussi. Dis voir, où est ce que tu as mis l'autre moitié du citron ?

PHILIPPE, gêné. – J'ai du la jeter dans la poubelle de la cuisine...

LAURENT, refouillant sur la table. – Et le miel ?

PHILIPPE, même jeu. – J'ai fini le pot...

LAURENT. – Tant pis, je me contenterai de lait. Il est dans le frigo ? (Il s'apprête à y aller.)

PHILIPPE, intervenant vivement. – Y en a plus... j'ai donné le reste au chat.

LAURENT, interloqué. – Quel chat ? Tu n'as jamais voulu de chat à la maison... tu ne les aimes pas. Ces animaux ingrats qui, comme les femmes, ne viennent se faire caresser que par intérêt. (Philippe veut protester.) Non non, ne proteste pas, ce sont tes propres paroles.

PHILIPPE. – Oui, mais là... elle me faisait de la peine... Elle miaulait à ma porte, crevant de faim et elle me regardait avec ses petites yeux verts en amande... ses petites oreilles pointues... son petit museau noir... (Il mime.)

PATRICE, lui bloquant les bras dans le dos. – Arrêtez de bouger comme chat !

PHILIPPE. – Aïe aïe aïe ! … (Reprenant sa description.) Ses babines frémissantes... sa petite tête...

LAURENT, agacé, le coupant. – Sa petite tête de chat... oui et alors ?

PHILIPPE, faussement peiné. – Alors, je ne suis qu'un être humain... j'ai craqué... Je l'ai fait entrer.

PATRICE, lui montrant un exercice. – Bras gauche sur la hanche gauche, bras droit en l'air et on penche le corps du côté gauche. Allez allez, on y va... on remonte et on recommence...

Philippe s'exécute en soufflant et en peinant. Il est suivi de près par Patrice qui le booste dès qu'il ralentit.

LAURENT, cherchant autour de lui. – Et elle est cachée où cette merveille de le gente féline ?

PHILIPPE, inventant. – Trop indépendante la demoiselle. Elle repart aussitôt son repas terminé et ne revient que pour le suivant. (Il souffle.)

LAURENT. – Suis je bête ! C'est pour cette raison que tu ne fermes plus ta porte de maison...

PHILIPPE, ravi du dénouement. – Voilà, c'est ça... tu as tout compris.

PATRICE, lui montrant un autre exercice. – Même chose de l'autre côté. Bras droit sur la hanche droite, bras gauche en l'air et on penche le corps du côté droit. On descend, on remonte et on recommence...

HUGUETTE. – Ce ne serait pas plus simple de laisser une gamelle de lait sur le seuil de votre porte ?

PHILIPPE. – Euh... oui... sûrement... mais d'un autre côté n'importe quel chat du quartier peut venir lui bouffer sa ration... et elle n'est pas de taille à se défendre... Et puis, finalement, je pense qu'on est contents de se revoir tous les deux... (Il souffle et souffre des exercices.)

LAURENT, entre ironie et amusement. – Attends voir... tu ne serais pas en train de te servir d'un chat imaginaire pour attendre le retour de ta Pomponnette ?

Philippe, faussement choqué, arrête net l'exercice et se redresse brusquement.

PHILIPPE. – Pomponnette ! Alors là... alors là... bravo ! Tu fais dans la délicatesse Laurent. Comparer ta mère à la Pomponnette de Pagnol. Alors là... faut le faire ! Bravo... je ne trouve rien d'autre à te dire... bravo !

PATRICE, intervenant sèchement. – Hop hop hop hop hop ! Pas de relâchement pendant les exercices s'il vous plaît ! Sanction immédiate. Puisque vous parler de Pomponnette... allez hop... une série de pompes. Allez zou, en position. (Il l'aide à se positionner.)

PHILIPPE. – Tu devrais avoir honte Laurent, si ta mère savait comment tu l'appelles...

PATRICE, comptant. – Une... On se relève... deux... On ne touche par terre avec ses genoux... trois... On rentre les fesses... quatre... (Patrice peut l'aider à remonter en le tenant par sa ceinture.)

LAURENT. – Papa, ne te crois pas obligé d'en faire des tonnes parce que là, tu vois, tu deviens de moins en moins crédible.

Philippe s'écroule à la cinquième pompe et se relève sur la réplique de Laurent.

PHILIPPE. – Comment ça je deviens de moins en moins crédible ! Parce que, brusquement, je me suis mis à aimer un misérable chat ?

LAURENT, rectifiant. – Un « hypothétique » misérable chat dont je n'ai, d'ailleurs, pas encore vu le petit bout de la queue...

PATRICE, directif. – On n'a pas fini la série de pompes.

PHILIPPE, à Patrice. – Vous me pompez avec vos pompes ! (A Laurent.) Ah d'accord ! Monsieur veut des preuves... Monsieur met en doute la parole de son propre géniteur...Tu me déçois beaucoup mon p'tit Laurent. (Vexé, en secouant la tête.) Un hypothétique chat !

LAURENT, en rajoutant une louche. – De même qu'il y a eu un hypothétique citron dans ton grog, adouci d'une hypothétique cuillérée de miel et dilué d'une hypothétique quantité de lait...

PHILIPPE, faisant front. – Ce qui veut dire ?

PATRICE, en riant. – Que vous avez du absorber un grog nature. En fait, vous avez pris un whisky coupé au whisky. (Il lui masse la nuque et les épaules.)

HUGUETTE. – Et à plusieurs reprises apparemment, ce qui explique aisément le bordel dans votre maison et votre état de fraîcheur remarquable...

PHILIPPE. – Dîtes carrément que j'ai des hallucinations tant que vous y êtes.

HUGUETTE. – Mon défunt Marcel qui forçait un peu sur la bibine, eh ben il en avait aussi des hallucinations. Y voyait souvent en éléphant rose grimpé sur le dos d'une souris bleue... Et y m'disait toujours en hurlant: «  Planque toi Huguette, s'il saute, il va t'écraser »...

PHILIPPE. – Désolé, mais je n'en suis pas encore au stade de votre Marcel. (A Patrice qui lui tripote les épaules.) Vous avez fini de me malaxer comme si j'étais de la pâte à modeler ?

Patrice arrête les massages du cou. Toujours derrière Philippe, il passe ses bras sous ses aisselles pour venir, ensuite plaquer ses mains derrière la nuque de Philippe et l'obliger à des torsions du tronc.

LAURENT, mi moqueur, mi sévère. – Dans l'immédiat, c'est un chat... demain ce sera peut être un tigre que tu apercevras dans les brumes de ton alcool et dans un mois... va savoir quel animal viendra laper le lait, dans la gamelle, à la porte de ta maison.

PHILIPPE. – Quand je pense au gentil petit garçon que tu étais autrefois... tendre, affectueux... et t'entendre aujourd'hui, me sortir des insanités pareilles... Tu veux que je te dise... c'est vraiment triste de te voir comme ça... (Patrice force sur l'exercice.) Ouille ouille ouille !

LAURENT. – Eh oui ! Mais le p'tit garçon d'autrefois avait un père dont il était fier, un héros qui écrivait des livres à succès qui le faisait rêver et qui l'embrassait sans lui déchirer les joues avec ses poils de porc épic.

PHILIPPE, prenant les autres à témoin. – Regardez le ce petit blanc bec, voyez le regard qu'il porte sur son pauvre père... Quand je pense que je me suis saigné aux quatre veines pour lui donner une bonne éducation... que j'ai passé des nuits blanches à me ronger les sangs quand il a eu la rougeole, la scarlatine, la thyphoïde, le choléra, le scorbut... enfin toutes ces maladies infantiles...

HUGUETTE. – Le choléra, le scorbut ? Il devait être drôlement fragile, le p'tit, pour se choper tout ça !

PHILIPPE, continuant. – Que je lui ai payé son premier scooter... son permis de conduire... Et tout ça... tout ça … pour m'entendre dire que j'ai des joues de porc épic ! Alors là, je suis à deux doigts de l'infarctus. Aïe aïe aïe !

HUGUETTE. – C'est sûr que les enfants sont sans pitié pour leurs parents. Bon, nous, on n'en a pas eu...à cause de Marcel qu'avait des problèmes avec ses... (Geste évocateur vers le bas du corps.) et ses semences qu'étaient, soit disant, pas de première qualité... En même temps, il a raison le gamin, vous piquez un max.

PHILIPPE, invoquant le ciel. – Quelle ingratitude, mon Dieu, quelle ingratitude ! Je sais bien que le vôtre, il vous en a fait voir de toutes les couleurs lui aussi... mais bon, vot' fils, il était investi d'une mission, on pouvait comprendre. Tandis que le mien, hein ! ... Et c'est pas avec ses études d'architecte, qui m'ont d'ailleurs coûté la peau des fesses, qu'il serait capable de marcher sur la flotte sans se mouiller les grolles ou de changer l'eau en Pomerol, comme votre fiston.

PATRICE, à Huguette.– Si ton Marcel avait eu les pouvoirs du p'tit Jésus, c'est bien là qu'il n'aurait jamais dessoûlé de la journée et qu'il aurait monté une coopérative viticole autour de la fontaine de ton village. (Il rit, suivi de Huguette.)

LAURENT, les interrompant. – Huguette, Patrice... s'il vous plaît...

HUGUETTE. – S'cusez moi, monsieur Laurent, c'est plus fort que moi. C'est mon côté comique qui prend le dessus. Je réagis au quart de tour et faut avouer qu'elle est bonne la blague du masseur.

PATRICE, relativisant. – Elle était facile à faire et il m'a tendu la perche avec son miracle.

HUGUETTE. – Y voulait se faire incinérer mon Marcel... mais moi, j'ai pas voulu. Imbibé d'alcool comme il était, j'ai eu peur qu'il fasse péter la chaudière du crématoire.

PATRICE, relativisant. – En même temps, va savoir... avec ses cendres t'aurais peut être pu récupérer deux ou trois litres de gnôle dans la distillation. (Ils éclatent de rire tous les deux et se congratulent. Têtes sidérées des autres.)

LAURENT, moqueur, à son père. – Quant à toi, il y a longtemps que tu communiques avec le ciel ? T'as une ligne directe ou tu passes par le Web ?

PHILIPPE. – Vas y, vas y, rigole. C'est tellement facile de s'en prendre à une bête blessée... Faut bien que je parle avec quelqu'un puisque tout le monde m'ignore...

LAURENT. – A qui la faute ? Qui s'est isolé volontairement du reste du monde ?

PHILIPPE. – Brusque besoin de vivre comme un ermite...

LAURENT, l'arrêtant. – Sauf que ces gens là vivent de végétaux et d'eau de source. (Montrant la table.)

HUGUETTE. – Et non de pizzas, de pops corns et de chips arrosées d'Aberlour !

PATRICE. – Bonjour le menu équilibré ! Vous avez une vision toute particulière de la vie d'ermite, vous !

PHILIPPE, blessé, amer. – Désolé ! J'ai pas eu le temps de creuser un puits dans la salle de bain ni de déterrer des racines sous la moquette de la chambre. J'ai pris ce que j'avais sous la main pour survivre. (A Laurent, de mauvaise foi.) T'aurais sans doute préféré que je crève de faim et de soif, dans des souffrances abominables que tu ne peux même pas imaginer... C'est ce que tu voulais ?

HUGUETTE, lui montrant le ventre. – Compte tenu de votre brioche, il vous restait encore quelques réserves pour passer l'hiver tranquille.

PATRICE, lui tripotant le ventre. – Va falloir me transformer ce clafoutis en tablettes de chocolat.

PHILIPPE, réagissant. – Non, mais ça ne va pas ! Arrêtez de me tripoter pareillement !

LAURENT. – Allez y Patrice, vous avez carte blanche.

PATRICE, à Philippe. – Parfait ! Allez hop, on monte sur la table pour une séance de massage.

PHILIPPE. – Que je monte sur... Jamais !

PATRICE, autoritaire. – Vous y montez tout seul ou je vous aide ?

PHILIPPE. – J'ai... j'ai le vertige.

PATRICE, le rassurant. – Aucun risque, vous serez couché.

PHILIPPE. – Je n'ai pas envie de me faire masser, à moitié à poil, allongé sur ma table de salle à manger, devant tout le monde.

HUGUETTE, moqueuse. – Ah là là, quelle chochotte !

PATRICE, aux autres. – J'vais pas passer le réveillon avec vous. Donnez moi un coup de main qu'on charge le paquet sur la table.

Patrice, Laurent et Huguette, empoignent Philippe et le hissent, tant bien que mal sur la table d'où il gigote pour en redescendre.

LAURENT, à son père. – Tu restes tranquille et tu obéis sans rechigner. Pas d' objection ?

PHILIPPE. – De toute façon, tu as réponse à tout... comme ta mère ! Je me demande comment j'ai fait pour la supporter aussi longtemps, celle là ! (A Patrice qui commence les massages.) Eh oh, doucement, espèce de grosse brute !

Patrice va s'en donner à cœur joie avec des massages sur tout le corps de Philippe. Difficile de faire le détail de cette scène qui peut générer une bonne complicité entre le masseur... et le massé. Sans faire de copiage, on ne peut s'empêcher de penser à « Oscar »...

LAURENT. – Remarque, dans le style « monsieur je sais tout », t'es pas mal aussi dans ton genre...

PHILIPPE. – Eh voilà ! Cela m'aurait bien étonné que tu ne prennes pas sa défense...

LAURENT. – Je ne prends pas sa défense, j'essaie d'être réaliste, c'est tout. Vous ne vous entendiez plus tous les deux... vous vous engueuliez à tout bout de champ pour des conneries... vous n'aviez plus aucune complicité et vous avez décidé... enfin, TU as surtout décidé, qu'il fallait mettre un terme à votre alliance désastreuse. Maman, un peu contrainte et forcée, a accepté ton verdict, tu devrais en être content, non ?

PHILIPPE, avec une fausse assurance. – Mais... mais… mais... je suis content, figure toi. Je suis enfin libre et épanoui à la vie... (Regard vers Patrice.) Si l'autre là, ne me réduit pas en bouillie.

HUGUETTE, le regardant. – Alors là, ça ne fait aucun doute. Vous êtes tellement épanoui... que vous n'allez pas tarder à vous faner.

PHILIPPE. – Faut pas se fier aux apparences... La sinusite chronique... la gorge inflammée... les amygdales énormes... tout ça suffit à perturber n'importe quel homme normalement constitué...

LAURENT. – Mais bien sûr ! Et tes super grogs n'ont pas encore eu le temps d'agir sans doute... Tu ne pouvais pas prendre des anti inflammatoires, comme tout le monde ?

PHILIPPE. – Tu sais bien que je suis pour les médecines douces, moi.

HUGUETTE. – Médecines douces, médecines douces... excusez du peu. Une bouteille entière de Whisky pour dégommer un malheureux rhume !

PATRICE, en riant. – Vous ne risquez pas d'alourdir le déficit de la sécurité sociale avec votre traitement. Vous avez trouvé les bons médicaments génériques... (Il lui colle une grande claque sur le dos. Philippe hurle.)

LAURENT, l'attaquant sur un autre plan. – Cela dit, tu vois, c'est bizarre, maman paraissait plus fragile que toi et, finalement, c'est elle qui supporte le mieux votre séparation.

PHILIPPE, intéressé. – Ah bon ! Tu l'as vue récemment ?

LAURENT. – Je lui rends visite tous les deux jours.

PHILIPPE, marchant sur des oeufs. – Et... ça... enfin... elle va bien ?

LAURENT. – Elle est un peu fatiguée parce qu'elle a trouvé un nouvel emploi, Mais ça va, ça va... elle est contente.

PHILIPPE. – Ah bon ! Elle s'est remise à travailler ?

LAURENT. – Eh p'pa, réveille toi ! C'est pas avec ce que tu lui donnes depuis trois mois qu'elle peut se permettre de rester glander à la maison. Sans bosser et le temps que vos avocats se mettent d'accord sur les partages des biens, elle aurait eu le temps d'aller pointer encore un bon moment aux restos du cœur.

PHILIPPE, entre surprise et curiosité. – Ah... Et elle bosse où ?

LAURENT. – Elle est serveuse chez Mac'Do.

PHILIPPE. – Oh putain ! J'espère qu'elle ne prend pas ses repas sur place.

LAURENT. – Qu'est ce que ça peut te fiche !

PATRICE, montrant la table basse.- Et puis eh, ça n'aura pas grand peine à être meilleur que vot' pique nique. (Grande claque sur le dos.)

Philippe hurle,

PHILIPPE. – Il me fait mal, ce con !

PATRICE, lui redonnant une autre claque sur le dos.- C'est pour vot' bien.

PHILIPPE. – Elle a toujours été fragile de l'estomac, ta mère et avec leur tambouille de merde, tu vas voir qu'elle va se choper un ulcère. (Mimant.) Sans compter qu'avec sa petite bouche, si elle veut s'ingurgiter un big mag, elle va se décrocher les mandibules, c'est quasiment certain. Elle aura bonne mine, ensuite, avec la mâchoire bloquée... bouche grande ouverte... comme si elle essayait de gober des mouches.

LAURENT. – Très drôle ! On peut savoir à quoi tu joues ?

PHILIPPE. – Ce n'est pas parce que je n'aime plus ta mère que je dois me désintéresser de sa santé...

HUGUETTE. – Vous avez raison m'sieur Philippe. On n'est pas des bêtes quand même.

LAURENT. – C'est gentil pour elle p'pa, mais ne t'inquiète pas, elle va bien et je te rassure, elle ne déjeune jamais chez son employeur.

PHILIPPE. – Ah... très bien...tant mieux... (Curieux.) Et autrement ça va... enfin, je veux dire... elle ne s'ennuie pas trop... en fin de journée... après le boulot ?

LAURENT. – Tu vas rire, je ne l'ai jamais vu sortir autant. Il faut presque prendre rendez vous pour la trouver chez elle le soir.

PHILIPPE. – Comment ça, elle sort le soir ? Tu viens de me dire, il y a deux minutes, qu'elle était fatiguée par son travail... (A Patrice.) Et vous aussi, vous me fatiguez à me peloter pareillement !

HUGUETTE. – C'est vrai, ça. Quand on est fatigué, on rentre chez soi et on se repose.

LAURENT. – Sa piaule est à mourir de chagrin. Elle n'y passe que pour dormir et elle sort un max pour oublier ses problèmes.

PHILIPPE. – Oui oui bien sûr, ça se comprend. (De nouveau curieux.) Et elle sort... sort sort ?... Enfin je veux dire... elle sort souvent ? ... Tard ?

LAURENT. – Eh bien tu sais, quand elle est avec ses jeunes collègues de boulot, ils refont le monde, tous ensemble, dans un troquet, jusqu'à des pas d'heure et tu devines, comme moi, les discussions sans fin que ça engendre.

PHILIPPE. – Me dis pas que ta mère se ridiculise en public avec des ados boutonneux ? Je le crois pas !

PATRICE. – Les ados ne sont plus boutonneux depuis longtemps. Aujourd'hui, ils savent parfaitement maîtriser leurs hormones... si vous voyez ce que je veux dire....

PHILIPPE, entre inquiétude et colère. – Mais qu'est ce que ta mère est allé fiche dans cette galère ! Femme fragile et innocente... en proie aux quolibets et aux moqueries de cette jeunesse dépravée... Une pauvre nunuche qui ne voit le mal nulle part... Tu l'imagines ta pauvre mère ?

LAURENT. – Ah mais je n'ai pas besoin de l'imaginer, je l'ai vu avec sa bande de potes.

PHILIPPE, abasourdi, répétant doucement. – Sa bande de potes...

LAURENT. – Elle leur est tout à la fois... la collègue de travail, la copine, la complice, la grande sœur, la mamma... Ils l'embrassent tous comme du bon pain, c'est vraiment très drôle.

PHILIPPE. – Une bande de jeunes en rut embrasse sa mère à tire larigot et lui... ça le fait rire, ça l'amuse, ce grand échalas !

LAURENT. – Ben oui je trouve ça drôle.

PHILIPPE, dramaturge. – Mais quel fils es-tu donc Laurent ? Aurais je engendré un enfant incapable du moindre sentiment humain ? Maudit soit le spermatozoïde qui a gagné le sprint final !

HUGUETTE. – Chez moi y a jamais eu de sprint. Les p'tites bêtes à Marcel, elles ont dû être disqualifiées dès le départ.

LAURENT. – Alors là, c'est vraiment du grand n'importe quoi.

PHILIPPE, inquiet. – Mais bien sûr ! Et que ta mère finisse, à moitié droguée, au milieu d'une tournante organisée par sa bande de potes, dans une sordide cave d'un minable HLM, c'est aussi du n'importe quoi ?

LAURENT. – Tous ces garçons sont très bien P'pa, tu n'as rien à craindre pour elle. Et si ça peut te rassurer, maman ne rencontre pas que des jeunes. Tiens, hier soir, elle était à l'opéra avec un monsieur très bien.

PHILIPPE. – Alors là, tu ne peux pas savoir comme ça me rassure. Après les loubards de banlieue... un...

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