LukaLila

Luka : Lila. On s’en va en Amérique.

Lila : Je peux raconter ? Dis oui, je t’en prie. Acquiesce. C’est si beau, un acquiescement. Luka, je suis parfois presque incrédule de joie, même ici, surtout dans les pires moments, c’est plus fort que moi.

Luka : Arrête de parler ! Laisse-moi réfléchir ! Ce que tu dis ne m’intéresse pas, tu entends ?

Lila : Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai !

Luka : Invente. Mais fous-moi la paix.

Lila : Tu ne me fais pas peur, tu me fais pleurer. Et je ne peux pas inventer quand j’ai les yeux pleins d’eau. Je peux manger une pomme, Luka ?

Luka : Oui.

Lila : Ça crie en dedans. Ça s’époumone tout le temps. Ça fait un boucan épouvantable.

Luka : Tu crois que c’est tranquille dans ma tête ? Tu crois que ce boucan, je ne l’entends pas ? Il y a un truc. S’agit d’avoir l’AT-TI-TUDE.

Lila : Comment ça marche, l’AT-TI-TUDE ?

Luka : Il faut avoir l’air dégagé. Surtout quand ça s’époumone en dedans. Il faut se tenir droit, jeter les épaules en arrière, bomber le torse.

Lila : Comme ça ?

Luka : Oui.

Luka et Lila voulaient rejoindre le Royaume de Siam ; leur conteneur a échoué sur un quai du port de Montréal…

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Fuient-il la guerre, l’insécurité ? Leur vie était-elle en péril ?

Interrogé par une fonctionnaire de l’immigration, Luka ne comprend pas pourquoi il doit répondre à toutes ces questions. Surtout quand il s’agit de la jeune femme qui l’accompagnait, son alter ego, sa soeur, elle qui avait un trou au coeur et un pied en moins…

Une première version de cette pièce, inspirée par la mort de deux passagers clandestins retrouvés enfermés dans un conteneur au port de Montréal en avril 1999, a été écrite en 2002 et primée au Journées de Lyon des auteurs de théâtre. Fondamentalement revue pour cette nouvelle édition, elle garde cependant tout son pouvoir poétique et jette un regard plus que jamais d’actualité sur ceux qui sont poussés à embarquer à la recherche d’un monde meilleur.