Les Cancans

Checchina doit épouser Beppo, son fiancé, mais un ragot lâché dans le plus grand secret : « la fille de Patron Toni est une bâtarde ! » se propage très vite de bouche de cousine en oreilles de voisines… Il sème le trouble et la discorde, et brise, un temps, les projets de mariage des deux amoureux…

La modernité de cette pièce qui montre à l’œuvre la puissance dévastatrice d’un cancan, est évidente. Ne sommes-nous pas, et plus que jamais, grâce à la multiplication des médias et des réseaux sociaux, dans une société où le potin est roi ?…




Les Cancans

Acte I

Scène 1

La chambre de Checchina.

Checchina est au centre, Beatrice et Eleonora assises près d’elle de part et d’autre. Donna Sgualda est assise à côté de Beatrice et Donna Catte à côté d’Eleonora.

Beatrice

Alors jolie petite épouse, vous êtes heureuse ?

Eleonora

Vous allez vivre une journée inoubliable.

Checchina

Oh dame, oui, comment je pourrais ne pas être heureuse ? Je suis fiancée !

Sgualda

Dis voir, cousine, ton promis quand est-ce qu’y vient ?

Checchina

Mon père m’a dit : « Pas plus tard que tout de suite ! »

Catte

Dis voir Checca, ton parrain, il te l’a offerte la couronne de fleurs ?

Checchina

Même pas un pissenlit il m’a offert !

Catte

Oh quel rapiat, çui-là !

Sgualda

Il t’a envoyé des dragées ?

Checchina

Même pas une figue.

Sgualda

Il est à sec ! Ben dis donc, t’en as un beau parrain !

Beatrice

Mais enfin quoi ? Parce que M. Pantalon n’offre rien, dépense peu, il ne serait pas un homme comme il faut ! Votre langue vous perdra, mesdames !

Sgualda

Oh, vous, vous êtes une mauvaise langue, chère madame !

Eleonora

Il me semble que vous devriez respecter les gens honorables.

Sgualda

Catte, qu’est-ce t’en dis ? T’as entendu ?

Catte

Oui, et la moutarde me monte au nez !

Checchina

S’il vous plaît, cousines ! Du calme !

Catte

Alors, il arrive quand, ce fiancé ?

Sgualda

Catte, allez viens on s’en va.

Catte

Tu veux rire !

Beatrice

Donna Sgualda, pourquoi n’iriez-vous pas vendre vos fripes et vos fanfreluches ?

Sgualda

Je me repose, Lustrissime. Aujourd’hui, j’ai de quoi bouffer, du coup, j’me roule les pouces.

Eleonora

Vous aussi ? Pas de lessive aujourd’hui ?

Catte

Non, mais vous inquiétez pas. Vos chemises de trois sous seront lavées !

Eleonora

Voulez-vous vous taire, insolente !

Catte

Sgualda, Sgualda, j’ai les fers qui chauffent !

Eleonora

En voilà assez, chère petite Checca, vous m’avez invitée à votre mariage et moi votre voisine, comme j’apprécie Beppo, le fils de mon régisseur, je suis venue ; mais je refuse de me commettre avec cette race de mégères.

Checchina

Chère Lustrissime, s’il vous plaît, restez.

Catte

Eh Sgualda ! Pousse-toi, tu vas infecter la dame !

Sgualda

Ma chérie, t’es vraiment folle !

Elles s’éloignent un peu.

Beatrice

Nous, nous sommes là pour faire plaisir à Checchina alors s’il vous plaît un peu de tenue.

Sgualda

Madame me parle à moi ?

Beatrice

Oui, à vous.

Sgualda

Catte, la dame me parle.

Catte

Eh ben, réponds-y !

Checchina

Voulez-vous bien vous taire !

Catte

Oh, r’garde ! V’là le futur !

Checchina

Il est avec mon père et monsieur mon parrain.

Scène 2

Pantalon, Patron Toni, Beppo et les mêmes.

Patron Toni

Noces, noces, Checca, ma fille, réjouissons-nous !

Sgualda

Oui ! Vive les noces sans dragée !

Pantalon

Ma filleule, tu es mon bonheur.

Checchina

Merci parrain.

Catte

M’sieur le parrain, c’est pour quand ces noces ?

Pantalon

Ce soir même.

Catte

Parce qu’on a le gosier sec.

Pantalon

On vous le rafraîchira.

Patron Toni

Alors, le fiancé, approche ! Tu ne regardes pas ta promise ?

Beppo

Je suis un peu perdu au milieu de toutes ces femmes.

Patron Toni

Tu as peur de ne pas reconnaître la tienne ? Tu ne peux pas te tromper. C’est la plus jeune et la plus jolie.

Catte

La plus jeune, non.

Sgualda

La plus jolie non plus.

Beppo

Jeune, vieille, belle ou vilaine, si on me faisait un peu de place, je m’assoirais bien à côté d’elle.

Pantalon

Et tu aurais raison. Le promis doit être à côté de sa belle. S’il vous plaît, décalez-vous un peu.

Eleonora

Je veux bien, encore faudrait-il que cette femme se poussât.

Catte

C’est c’la, mais « cette femme-là » elle s’poussera pas.

Beatrice

Bon allez, Checca, asseyez-vous sur ma chaise, Donna Sgualda me donnera la sienne et en prendra une autre.

Sgualda

Vous voulez que je me mette là, pourquoi vous y allez pas, vous ?

Pantalon

Bon s’il vous plaît mesdames, il faut laisser la place à qui la mérite.

Sgualda

À qui la mérite ? Eh ben, si je la mérite pas la place, j’en veux pas ! Cousine, à la revoyure ! (Elle se lève.)

Checchina

Voyons, où allez-vous ?

Sgualda

T’as pas entendu ? Je cède ma place à qui la mérite. Monsieur ton parrain ordonne et toi tu la boucles ; ça se voit que tu sais pas d’où tu viens…

Patron Toni

Quoi ? Qu’est-ce que vous sous-entendez ?

Sgualda

Je me comprends, c’est le principal. Je cède la place au mérite. Dame, posez donc votre Lustrissime croupion. Quant à toi, Checca, m’invite plus jamais. Chez toi, j’y foutrai plus ni le pied ni le reste ! À moi, une femme distinguée, me faire ce putain d’affront ! Ah on préfère une étrangère à sa propre cousine ! Allez crever tous autant que vous êtes : père gaga, fille idiote, parrain rapiat, fiancé sans un, et Lustrissime au rabais. (Elle sort.)

Beatrice

Je ne pense pas m’avancer trop en disant que cette fille est dérangée.

Catte

C’est vrai, chère madame, mais même dérangée, elle a plus de cervelle que vous.

Eleonora

Comment me parlez-vous ?

Catte

Avec la bouche !

Eleonora

Cela suffit. Je m’en vais. Demeurer est incompatible avec ma dignité. Jolie fiancée, adieu. Je ne souhaite pas rester en présence de cette femme vulgaire. (Elle sort.)

Catte

Bécasse !

Beatrice

Vous avez dit…

Catte

Bécasse ! Oui, j’aime la bécasse alors je crie : « Bécasse ! » Je vous ai donné faim ?

Beatrice

Vous m’avez donné envie de vous traiter comme vous le méritez, mais pour ne pas contrarier davantage notre fiancée, je me contenterai de partir en vous prévenant : si vous ne contrôlez pas votre langue, je vous la ferai trancher. (Elle sort.)

Catte

Aïe z’ai mal ! Aïe ze souffre !

Patron Toni

Vous savez quoi, petite madame, je vais vous dire. Dans ma maison, les gens arrogants je n’en veux pas, vous avez été invitée, bien traitée, mais vous ignorez les bonnes manières, alors allez les apprendre ailleurs.

Catte

Quoi ? Vous me foutez dehors ? Vous êtes pas digne de m’avoir chez vous. Vous vous en repentirez. Checca, je m’en vais, mais parole que tu te souviendras de Catte la blanchisseuse. (Elle sort.)

Scène 3

Checchina, Beppo, Pantalon, Patron Toni.

Pantalon, à Patron Toni.

Jolie réunion ! Quelle charmante famille vous avez !

Patron Toni

Ouf, elles sont parties. Nous allons pouvoir parler de nos affaires entre nous. Checca, ton fiancé est là, ton parrain aussi ; si tu veux la bague, Beppo va te la donner. Même si on n’a pas les cris de joie des commères, c’est pas grave, on fera le charivari plus tard.

Checchina

Pour moi, quand Beppo est là, le monde entier est là.

Beppo

Et moi je ne veux rien d’autre que ma Checca.

Pantalon

Tiens, prends la bague et mets-la-lui au doigt.

Beppo

Comment on fait ? Montrez !

Pantalon

Oh l’homme ! C’est facile ! Regarde ! (Il essaie de passer la bague au doigt de Checchina.)

Beppo

Oui, bon, laissez, laissez, je vais le faire. Laissez tomber !

Pantalon

Vous êtes jaloux ? Je suis votre parrain.

Beppo

Dites voir, monsieur Pantalon, le parrain, quand il a donné la bague, c’est fini pour lui ?

Pantalon

Si vous voulez, c’est fini.

Patron Toni

Mais tu es fou ? Tu ne connais pas M. Pantalon ? Tu ne sais pas quel homme c’est ?

Pantalon

Filleul, minuit a sonné. Ma barque n’a plus de mât, de gouvernail j’en ai plus, comment je pourrais « hisser le grand pavois » ?

Beppo

Oh ce cher Pantalon est vraiment drôle. (Il passe la bague au doigt de Checchina.)

Checchina

On est mariés ?

Patron Toni

Non ma fille, c’est un gage d’amour.

Checchina

Pas besoin de gage ! Qu’il m’épouse tout de suite !

Patron Toni

Il faut faire les choses dans l’ordre.

Checchina

Oh, ce qu’elle est belle cette bague !

Pantalon

Elle vous plaît ?

Checchina

La bague oui, mais bien plus celui qui me l’a donnée !

Pantalon

C’est moi qui vous l’ai donnée.

Checchina

Non, je parle de celui qui me l’a mise au doigt.

Pantalon

Oh mes enfants, vous faites ma joie. Je retourne à mes affaires. Le ciel vous bénisse. Si vous avez besoin de quelque chose, je suis là. (À part.) Ah que c’est beau la jeunesse ! Je suis vieux, mais une petite cérémonie de ce genre, ça me dirait bien. Passer la bague, ça irait encore… c’est le reste qui passerait pas… (Il sort.)

Scène 4

Checchina, Beppo, Patron Toni.

Patron Toni

Bon, Beppo, si vous avez quelque chose à faire, c’est le moment.

Beppo

Euh, non, j’ai rien à faire.

Patron Toni

Si vous, vous n’avez rien à faire, moi oui. On y va.

Beppo, à part.

Ah d’accord, il veut pas que je reste seul avec elle. (Haut.) Checca, au revoir.

Checchina

Beppo, aimez-moi.

Beppo

Mon cœur est à vous.

Checchina

Béni soit votre cœur.

Patron Toni

Deux fiancés qui s’aiment, quoi de plus beau ? (Il sort.)

Beppo

Ô chère toi. (Il sort.)

Checchina

Ô cher toi ! Ô cher lui ! Je suis la femme la plus comblée de l’univers. Mes chères cousines m’ont chauffé la bile ; mais n’y pensons plus. Puisque mon Beppo m’aime, et que mon Beppo est à moi, oublions ces caqueteuses… Je n’veux plus avoir affaire à elles. (Elle sort.)

Scène 5

Donna Catte avec un panier rempli de linge.

Merlino, une corbeille sur la tête.

Catte

Allez, il faut livrer ce linge. Courage ! Avance !

Merlino

J’ai un problème… j’aime pas travailler…

Catte

Dans ce pays, si tu veux manger, faut travailler.

Merlino

Je préfère être un sans emploi fixe et tendre la main.

Catte

Alors là, ici, si tu demandes la charité, ils t’enverront au diable, ils te diront : « Travaille, fainéant, travaille ! »

Merlino

Oh mais, j’ai un vrai métier ! Regarde ! (Il fait le manchot.) Quelques petits sous pour un pauvre manchot. (Il fait l’estropié.) À votre bon cœur, m’sieurs-dames, pour un pauvre estropié ! (Il fait l’aveugle.) Pitié et compassion pour un aveugle de naissance… (Il marche sur les fesses à l’aide de ses mains.) Ouvrez votre porte-monnaie à un pauvre maçon tombé de son échafaudage et qui peut plus travailler.

Catte

Dis donc, tu es expert en honnêteté. Tu viens d’où ?

Merlino

Je suis un digne mendiant napolitain.

Catte

Oh, çui-là, je veux plus qu’il me porte mon panier, c’est un gredin qui peut me voler… Tiens, voilà deux sous ! Et bon vent !

Merlino

Vous voulez plus de moi ?

Catte

Non, ça ira comme ça.

Merlino

Que les morbacs tortorent les parties velues de ta mater, de ton dab et de tous les gniards des gniards de tes gniards jusqu’à nib de ta race de pue la sueur.

Catte

Qu’est-ce tu dis, je comprends rien.

Merlino

Zyeute, zyeute ! Là, le zig !

Catte

Quoi ?

Merlino

Que tu calanches direct, larbine ! Madame, on vous appelle !

Catte

Qui m’appelle ?

Merlino

Une femme, là. Non, là, là, la femme.

Catte

Où ? Mais je la vois pas… Celle-là ? (Elle se retourne, Merlino lui vole une chemise.)

Merlino

Ouvr’ tes mirettes, frangine !

Catte

Qu’est-ce tu racontes, oiseau de malheur !

Merlino

Tu m’comprends pas ?

Catte

Non, je comprends rien…

Merlino

T’entraves que dalle

C’est pas plus mal

J’ai bien marné

Je t’ai chouré

Un truc bien bath

Maint’nant j’me calte.

Catte

Oh sois maudit ! J’sais pas ce qu’il dit mais j’suis sûre qu’il m’a envoyé le mauvais œil. Ohé, tiens, j’te le renvoie et bien chargé encore. Ça m’apprendra à le porter moi-même, mon panier.

Scène 6

Donna Sgualda avec des habits à vendre,
et Donna Catte.

Sgualda

Oh, Catte, t’es là ?

Catte

J’ai ces draps à livrer. Alors ces Lustrissimes, t’en penses quoi, toi ?

Sgualda

Tais-toi, ma chérie, tu me refais monter la rage.

Catte

Qu’est-ce tu vends de beau ?

Sgualda

Une belle jupe et une petite veste. Toi qui connais tout le monde, aide-moi à les vendre.

Catte

Pourquoi pas ? Tu les as fait voir à Checca ?

Sgualda

C’est trop chic pour elle.

Catte

Tu rigoles ! Ils la traitent comme une princesse.

Sgualda

Mon cousin est fou de dépenser tant de sous pour sa fille.

Catte

Pauvre innocente ! C’est pas lui qui paie.

Sgualda

Ah bon ? C’est qui ?

Catte

Ben tiens, le parrain.

Sgualda

Qui ? M. Pantalon ?

Catte

Tu l’as dit bouffi !

Sgualda

Attends il lui a même pas payé quatre dragées !

Catte

Ben, il peut pas tout faire ! Ce qu’il met d’un côté, il peut pas le mettre de l’autre.

Sgualda

Et mon cousin dit rien ?

Catte

Qu’est-ce tu veux qu’il dise ? Il laisse faire.

Sgualda

Je ferais comme lui… après tout, c’est pas sa fille.

Catte

C’est quoi c’que t’as dit là ? Checca est pas sa fille ?

Sgualda

Attends, d’abord donne-moi ta parole d’honneur de la fermer.

Catte

Sur la tête de Venise !

Sgualda

Attention, personne d’autre au monde que toi n’est dans le secret.

Catte

Tu risques rien avec moi ; tu sais la femme que je suis.

Sgualda

Checca, c’est pas la fille de notre cousin.

Catte

Non ? C’est pas vrai ? Dis-moi, oh là là, de qui c’est la fille ?

Sgualda

Sais pas. Donna Menega, paix à ses cendres, l’épouse de Patron Toni, l’a confessé à ma mère, et ensuite ma mère à moi.

Catte

Mais ils l’ont eue où ?

Sgualda

Qui le sait ? Patron Toni traverse l’Adriatique dans tous les sens sur sa tartane. On raconte qu’il a trouvé la petite quelque part on sait pas où. Pour les uns, c’est une bâtarde ; pour d’autres, c’est une embrouille de Patron Toni ; pour d’autres enfin, c’est « un produit de contrebande » de Donna Menega ; à chacun sa vérité !

Catte

Mais alors tout le monde est au courant ?

Sgualda

Mais non, jamais ! Seulement les amies que je vois tout le temps et toi ; pas de danger que la chose s’ébruite.

Catte

Je suis ravie d’être dans la confidence.

Sgualda

Bon, je file. À la prochaine. Je vais chez Checca voir si elle m’achète c’te marchandise.

Catte

Gaffe aux Lustrissimes.

Sgualda

Qu’est-ce tu crois, qu’elles me font peur ? Moi, je leur conseille de la fermer si elles veulent pas que j’aille baver partout sur leurs petites faiblesses… (Elle sort.)

Catte

Bon Dieu ! Qui aurait cru ça ? Checca n’est pas la fille de Patron Toni ? Mais alors, c’est pas ma cousine ! Alors là, la prochaine fois qu’elle me la joue princesse, comment j’te lui rabats son caquet, moi, à celle-là !

Scène 7

Anzoletta la couturière, et Catte.

Anzoletta

Eh Donna Catte, très chère, pourriez-vous m’indiquer où est la maison de votre cousine Checca, s’il vous plaît ?

Catte

Bien sûr, ma chérie, tu vas tout droit au bout de la rue principale, après le pont sur la gauche il y a une cour. C’est la troisième porte à droite.

Anzoletta

Merci beaucoup.

Catte

Qu’est-ce tu vas faire chez Checca ?

Anzoletta

J’y amène une petite veste refaite à neuf.

Catte

Fais voir.

Anzoletta

Elle est belle, non ?

Catte

De l’or ? C’est de l’or ? De l’or pour cette saleté de p’tite dame ! De l’or ?

Anzoletta

Ça vous contrarie ?

Catte

Comment ça pourrait ne pas me contrarier ? Mon crétin de cousin lui passe tout !

Anzoletta

Ben, c’est sa fille, il l’aime.

Catte

C’est ça, oui, sa fille ! On lui dira !

Anzoletta

Quoi ? Ce serait pas sa fille ?

Catte

Écoute, tu promets de la fermer ?

Anzoletta

À double tour !

Catte

Checca n’est pas la fille de mon cousin Toni.

Anzoletta

Oh Venise ! Et de qui c’est la fille ?

Catte

Écoute… mais chut !

Anzoletta

Bien sûr chut, tu parles !

Catte

C’est une… bâtarde.

Anzoletta

Qu’est-ce tu me dis là ?

Catte

Je te mets dans le secret car je sais que tu es une fille qui fait gaffe…

Scène 8

Un porteur, et les mêmes.

Catte

Dis voir, beau jeune homme, tu me rendrais un service payant ?

Porteur

Bien sûr, même pas payant.

Catte

Tu me porterais ce panier ?

Porteur

Avec plaisir.

Catte

Oui, bon alors bouge parce qu’y a un Lustrissime qui sort pas de son lit s’il a pas sa chemise de rechange ! (Elle sort.)

Anzoletta

Donc Checca est pas la fille de Patron Toni… Elle, c’est une… une de ces filles de personne… Beppo la marie. Il m’a laissée moi pour cette bât… ? Et moi, je travaille pour cette… basta basta basta ? J’y apporte pas sa veste. Si elle la veut, elle a qu’à l’envoyer prendre. J’irai porter sa robe à la Lustrissime. Une petite main comme moi, ce genre de fille, elle fraye pas avec. (Elle sort.)

Scène 9

Chambre de Beatrice.

Arlequin, puis Beatrice.

Arlequin

Ohé de la maison ! Y a personne ?

Beatrice

Qui es-tu ?

Arlequin

Le serviteur d’mon padron.

Beatrice

Et ton patron, qui est-ce ?

Arlequin

Il envoie moi la saluter elle et voir si ça y plaît.

Beatrice

Quoi ?

Arlequin

Entre nous, je me rappelle plus.

Beatrice

Tu es un serviteur de grand style !

Arlequin

Alors elle, ça y plaît ou ça y plaît pas ?

Beatrice

Si je ne sais pas de quoi tu parles, comment pourrais-je te répondre ?

Arlequin

Mon padron attend la riposte.

Beatrice

Mais qui est ton patron ?

Arlequin

Non ? Elle connaît pas mon padron ?

Beatrice

Dis-moi qui c’est, je te dirai si je le connais.

Arlequin

Mais elle, elle le connaît ou pas ?

Beatrice

Jusqu’à preuve du contraire, je ne le connais pas.

Arlequin

Alors si la Dame connaît pas, serviteur humillissime !

Beatrice

Où vas-tu ?

Arlequin

Je pars ; si elle le connaît pas, c’est qu’je m’ai trompé. J’vous baise la main.

Beatrice

Mais ton patron, chez qui t’a-t-il envoyé ?

Arlequin

M’a envoyé… m’a envoyé… chère Dame, elle, c’est qui ?

Beatrice

Je m’appelle Beatrice Anselmi.

Arlequin

C’est ça ! « Belle Actrice en scène, oui ». C’est la bonne…

Beatrice

Et que me veut-il ?

Arlequin

Il m’a dit salute-la et demandes-y si ça y plaît. Ça y plaît ?

Beatrice

Mais qu’est-ce qui doit me plaire ?

Arlequin

Eh beauté ! Moi je sais pas ce que tu veux faire avec mon padron !

Beatrice

Ô misère de moi ! Ton maître c’est qui ? Qui ? Qui ? Qui ?

Arlequin

Inutile de crier, je suis pas sourd. Bon, Belle Dame ! C’est lui qui m’envoie vous voir car si lui m’avait pas envoyé vous voir, moi je serais pas là à avoir envie de l’envoyer se faire voir.

Beatrice

Maudit sois-tu ! Tu ne peux pas juste répondre aux questions qu’on te pose ?

Arlequin

Eh la Dame, elle a de la polenta dans la tête ! E’ m’comprend pas ?

Beatrice

Va-t’en d’ici, espèce d’âne !

Arlequin

Merci, j’vous baise les pieds.

Beatrice

On...

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