Printemps

Je suis libre. Je peux faire ce que je veux. Je peux prendre mes affaires et foutre le camp loin d’ici. Aller visiter d’autres pays. Courir le monde. Pas besoin de beaucoup d’argent. Pas besoin d’argent du tout. Tu fais du stop. Tu traces la route. Tu t’arrêtes quelque temps pour bosser et puis tu repars un peu plus loin. Tu rencontres des tas de gens passionnants ou non. Dans le lot il doit bien y avoir des gens passionnants. Tu avances. Tu mûris. Tu deviens sage. Et puis un jour tu reviens, pleine de sagesse et tu es devenue quelqu’un d’autre. Et tu ne racontes pas grand-chose parce que ce serait impossible de raconter tout ce que tu as traversé. Tu te contentes de sourire un peu quand certains balancent des conneries. Tu ne t’énerves plus. Non. Tu es au-delà de ça. Tu es pleine de sagesse. Ou alors mieux. Tu pars et tu ne reviens plus jamais. Tu pars pour toujours. Et on dit Sam, vous savez, celle qui est partie et n’est jamais revenue. Et un jour une fille débarque dans le bled. C’est une très jeune et très belle métisse et tout le monde la regarde bizarrement du coin de l’oeil et on se demande qui elle est. Et elle, fïère, sans regarder personne, traverse tout le bled tête haute et va sonner chez mes parents, très très vieux, et elle dit Salut je suis la fille de Sam, votre petite-fille. Et mes parents fondent en larmes et la serrent dans leurs bras. Ils appellent mes soeurs. Et mes soeurs pleurent aussi. Et elle leur raconte que sa mère, moi donc, est devenue moine au Tibet, seule femme parmi les moines, à cause de son immense sagesse. Et tout le monde pleure et se réjouit en même temps. Et c’est cool.

C’est ça la liberté. Tu peux faire ce que tu veux de ta vie. Tu peux choisir de faire ce que tu veux.

La pièce Printemps met en scène un groupe de jeunes gens dans une petite ville du centre de la France.

Ce printemps-là marque pour eux le basculement de l’adolescence à l’âge adulte, cet instant où les vies prennent des tournants décisifs, s’orientant parfois dans des chemins imprévus, des culs-de-sac, où les rêves viennent s’achopper à la réalité…

A travers ce portrait de groupe, Carole Thibaut poursuit son cycle des Communautés Territoires débuté avec L’enfant (drame rural).