Une tragédie intemporelle du pouvoir et de l'ambition

Macbeth a probablement été écrite entre 1599 et 1606. La pièce a été jouée pour la première fois à Hampton Court, à Londres, en 1606, pour le roi Jacques Ier, qui venait tout juste d'accéder au trône d'Angleterre après le règne d'Élisabeth Ière.

Shakespeare compose cette tragédie dans un contexte politique explosif. L'avènement du roi écossais Jacques VI sur le trône d'Angleterre en 1603 et la Conspiration des Poudres en 1605 constituent le fond politique de cette création. En choisissant un sujet écossais, le dramaturge rend hommage au nouveau monarque tout en explorant les zones d'ombre du pouvoir royal, question brûlante à l'époque.

Macbeth s'inscrit pleinement dans le contexte politique et culturel de l'Angleterre du début du XVIIe siècle, mêlant débats sur la nature du pouvoir royal et dangers de l'ambition démesurée. Shakespeare offre ici sa vision la plus mûre et troublante du mal en acte.

L'intrigue et les personnages : Ambition, meurtre et folie

L'intrigue de Macbeth se déroule principalement en Écosse, au XIe siècle, dans un pays sauvage et mystérieux, peuplé de seigneurs féodaux ambitieux et de forces surnaturelles. C'est la tragédie la plus courte de Shakespeare.

La pièce s'ouvre sur une scène spectrale : trois sorcières se rencontrent sur une lande battue par les tempêtes. Macbeth et Banquo, deux généraux au service de Duncan, roi d'Écosse, reviennent d'une campagne victorieuse contre les rebelles quand ils rencontrent les trois sorcières. Ces créatures énigmatiques leur font des prophéties : Macbeth deviendra seigneur de Cawdor, puis roi d'Écosse, tandis que Banquo engendrera une lignée de rois.

La première prophétie se réalise presque aussitôt : Macbeth apprend que Duncan l'a nommé Sire de Cawdor, confirmant la parole des sorcières. Dès lors, l'ambition s'empare de lui. Quand le roi Duncan décide de séjourner au château de Macbeth à Inverness, Lady Macbeth voit l'occasion rêvée. Lady Macbeth reçoit une lettre de son mari lui relatant les prophéties des sorcières et, impatiente, elle pousse son époux à prendre son destin en main et à assassiner le roi.

Macbeth hésite, rongé par le doute et la conscience de ce crime abominable. Mais sa femme le rabroue, le ridiculise, le manipule avec une détermination sans égale. Lady Macbeth met en place une stratégie visant à enivrer les chambellans du roi pour les rendre responsables de l'odieux acte que s'apprête à commettre son époux. Dans la nuit, Macbeth franchit le pas : il assassine le roi Duncan dans son sommeil.

Dès ce moment, Macbeth ne peut plus s'arrêter. Devenu roi, il sombre dans la tyrannie et la paranoïa. Macbeth supprime Banquo et ordonne l'assassinat du fils de ce dernier, Fleanzio, pour empêcher la prophétie des sorcières selon laquelle ses descendants règneront. Au cours d'un banquet, le spectre de Banquo apparaît devant lui, révélant sa culpabilité aux yeux de tous. Macbeth descend toujours plus bas, ordonnant le massacre de la famille de Macduff, le général qui le soupçonne du régicide.

Thèmes universels : ambition, destin et corruption

Macbeth n'est pas une simple histoire de criminel couronné. La pièce explore les thèmes majeurs du pouvoir, du destin et de la culpabilité, du libre arbitre face à la fatalité, et du pouvoir corrupteur du désir non contrôlé. Ces enjeux résonnent avec une acuité remarquable aujourd'hui encore.

L'ambition constitue le cœur pulsant de la tragédie. Ce n'est pas tant Macbeth lui-même qui envisage le meurtre au départ, mais Lady Macbeth, incarnation de l'ambition féminine volontariste. Le sang fonctionne comme symbole omniprésent, représentant à la fois la culpabilité et l'ambition meurtrière : Lady Macbeth cherche désespérément à laver ses mains tachées d'un sang imaginaire, illustrant son tourment psychologique. Cette obsession du sang devient l'incarnation de la conscience qui refuse de se taire.

La question du destin hante la pièce entière. Shakespeare modifie sciemment le récit de ses sources : dans les Chroniques de Holinshed, Banquo est complice du meurtre de Duncan, mais Shakespeare le présente comme innocent pour rendre le crime de Macbeth encore plus odieux. Cette modification révèle une intention profonde : interroger notre responsabilité morale face aux événements qui semblent prédéterminés.

Le drame politique s'entrelace à la tragédie personnelle : la pièce explore le contexte d'une lutte pour le pouvoir et le contrôle, les thèmes de l'autorité et la corruption, faisant de l'œuvre une critique des systèmes politiques et des dangers de l'ambition incontrôlée.

Macbeth : Un général devenu tyran

Macbeth est l'un des plus complexes personnages de Shakespeare. Au début de la pièce, c'est un guerrier admiré, brave et fidèle au roi Duncan. Lorsqu'il est d'abord présenté, Macbeth est un brave guerrier écossais dont la relation avec sa femme est fondée sur le respect mutuel et la passion. Il est ami de Banquo et jouit de l'estime du roi.

Mais le contact avec les prophéties des sorcières déclenche son évolution tragique. Macbeth n'est pas un criminel-né : c'est un homme que l'ambition va progressivement dévorer. Au fur et à mesure que la pièce progresse, Macbeth change pour le pire : au lieu d'écouter Banquo qui l'avertit que les sorcières pourraient être dangereuses, Macbeth choisit d'écouter sa femme qui le convainc de tuer Duncan.

Une fois devenu roi, Macbeth bascule dans la corruption totale. La culpabilité le tourmente, le pouvoir le rend paranoïaque. Il ne peut plus reculer : chaque crime engendre le besoin du crime suivant. À son dernier moment, Macbeth redevient guerrier — il meurt au combat, sorte de rédemption par la vaillance guerrière.

Le personnage de Macbeth incarne magistralement la trajectoire de l'homme qui franchit un Rubicon moral. Une fois l'interdit violé, toute possibilité de retour disparaît.

Postérité et représentations : Une tragédie toujours vivante

Macbeth s'est imposée comme l'une des tragédies les plus jouées du répertoire mondial. L'histoire scénique de Macbeth au XXe siècle a été marquée par les développements de l'art théâtral et l'histoire politique troublée de l'époque : le personnage principal a parfois été relu comme un dictateur au sens moderne du terme.

Les grandes interprétations se succèdent. Hannah Pritchard offre une Lady Macbeth sauvage et démoniaque qui fait date auprès du public du XVIIe siècle, tandis que Sarah Siddons propose une version plus aimante du personnage. William Charles Macready incarne Macbeth pendant plus de trente ans, de 1820 à 1851, marquant profondément la mémoire théâtrale.

En littérature contemporaine, de nombreux auteurs s'inspirent de la pièce ou la réinterprètent, comme Jo Nesbø avec son roman Macbeth publié en 2018. Elle a même été adaptée en manga. Sur le plan lyrique, des opéras continuent à fleurir, tandis que le cinéma explore sans cesse les dimensions politiques de cette tragédie.

Macbeth demeure étonnamment actuelle : chaque génération y découvre ses propres questions sur le pouvoir, l'ambition et la responsabilité morale. Macbeth reste une référence incontournable dans l'éducation, étudiée dans de nombreux pays comme exemple majeur de la dramaturgie shakespearienne pour son langage riche, ses personnages complexes et ses thèmes universels.